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De Kinshasa à l’Inde, l’incroyable Odyssée des Chimpanzés congolais à Vantara

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En décembre 2024, l’exportation de huit chimpanzés de la République démocratique du Congo vers l’Inde a suscité une vague d’inquiétudes parmi les acteurs de la conservation et la société civile. Pour comprendre les tenants et aboutissants de cette transaction, nos équipes ont suivi la piste de ces primates jusqu’en Inde, où nous avons découvert Vantara, un centre de réhabilitation animale d’une ampleur inégalée.

« Regardez ces chimpanzés congolais, ils sont là, en pleine forme ! », s’exclame notre guide, un vétérinaire passionné. « Lors de mon passage au Jardin zoologique de Kinshasa, j’ai été profondément attristé de voir ces animaux confinés dans de petites cages, négligés et maltraités ».

Après quelques échanges, ce vétérinaire nous ouvre les portes de Vantara, une véritable arche de Noé du XXIe siècle, érigée au cœur d’un paysage désertique à plus de 2 000 kilomètres de New Delhi. C’est dans cet écrin de verdure que les chimpanzés congolais évoluent désormais en semi-liberté.

Sous un soleil radieux, nous montons à bord d’une navette touristique où une consigne claire est affichée : « Pas de photos, ni de vidéos ». Intrigués, nous demandons l’explication de cette interdiction. « Vantara n’est pas un zoo ouvert au public. Notre mission est le bien-être animal, pas le profit ou l’exhibition. C’est un havre de paix pour ces êtres en réhabilitation. Seuls les employés et les scientifiques y ont accès », précise notre guide.

Il nous raconte ensuite la genèse de ce projet ambitieux. « L’idée de créer ce centre est née en 2020, pendant la pandémie de COVID-19. Nous avions appris que des gardiens de zoos avaient abandonné leurs postes, laissant les animaux sans soins ni nourriture. Cette situation a profondément touché notre patron, et il a décidé de créer Vantara pour secourir les animaux en détresse à travers le monde. »

Vantara s’étend sur 1 500 hectares, divisés en zones dédiées à la protection et au bien-être animal. On y trouve plus de 2 000 espèces et 1 500 000 individus, dont de nombreux animaux en danger critique d’extinction, tels que des mammifères, des reptiles, des amphibiens, des oiseaux et des poissons.

« La plupart des animaux que vous voyez ici ont subi des traumatismes, des mauvais traitements ou des conflits avec les humains. Nous les accueillons grâce à des collaborations avec les gouvernements du monde entier. Une fois réhabilité, nous les renvoyons dans leurs pays d’origine à la demande des autorités », explique notre interlocuteur.

A l’en croire, cette année, une centaine d’individus de Makóws ont été réintroduits dans leur habitat naturel au Brésil après avoir passé quelques années à Vantara. Des orangs-outans ont également été relâchés en Indonésie.

Vantara offre un refuge aux animaux sauvages rescapés de conflits avec les humains, de captivité inadaptée, de blessures, d’espèces menacées nécessitant des programmes d’élevage et d’industries du divertissement abusives comme les cirques.

Le site est conçu pour reproduire fidèlement les écosystèmes naturels de chaque espèce, une prouesse qui force l’admiration. «Vantara est la plus grande banque génétique. Nous pensons que le jour où certaines espèces animales disparaîtront de la terre, il en restera quelques spécimens ici que l’on pourra reproduire et réintroduire dans les écosystèmes naturels », ajoute-t-il.

Vantara n’est pas une entité indépendante, mais l’initiative phare sous laquelle opèrent la Green Zoological Rescue and Rehabilitation Centre Society (GZRRCS), le Radhe Krishna Temple Elephant Welfare Trust (RKTEWT) et d’autres efforts de conservation spécialisés. Ensemble, ces entités forment un réseau intégré dédié au sauvetage, à la réhabilitation et aux soins à long terme de la faune. Chaque composant de Vantara traite un aspect spécifique du bien-être animal, allant des sauvetages d’urgence et traitements médicaux à la création de sanctuaires à long terme et à la réintroduction dans la nature, reflétant une approche holistique et évolutive de la conservation.

Une collaboration stratégique avec l’ICCN

Si l’exportation des chimpanzés a suscité des interrogations quant à sa légalité et sa transparence, l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) assure qu’elle a été réalisée dans le respect des lois en vigueur.

« L’ICCN n’a pas vendu des chimpanzés, contrairement à ce que certains affirment. Il s’agit d’un échange encadré par la loi congolaise », précise Yves Milan Ngangay, directeur général de l’ICCN.

Cette transaction s’inscrit dans le cadre d’un mémorandum d’entente signé avec Vantara, prévoyant une collaboration approfondie entre les deux institutions.

« Le MOU prévoit notamment le renforcement des capacités de nos techniciens, vétérinaires et soigneurs. Un premier groupe de 17 personnes partira bientôt en Inde pour une formation de trois mois », détaille M. Ngangay.

Le document prévoit également la modernisation du Jardin zoologique de Kinshasa et du Jardin botanique de Kisangani, ainsi qu’une dotation en matériel médical.

« L’ICCN ne compte que cinq vétérinaires pour l’ensemble du pays. Ce partenariat est une opportunité unique de former nos techniciens et d’améliorer la prise en charge des animaux. Après leur formation et la réhabilitation de nos jardins, nos chimpanzés reviendront au pays, et d’autres espèces emblématiques seront importées pour promouvoir le tourisme de proximité », conclut-il.

Fort de son engagement pour la restauration des habitats et la préservation des écosystèmes, Vantara ambitionne de façonner l’avenir de la conservation de la faune sauvage, assurant ainsi la survie des espèces menacées pour les générations futures.

Alfredo Prince NTUMBA

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