
Plusieurs années après la promesse du Président de la République, de desservir les populations en eau potable, cette denrée devient de plus en plus inaccessible à Kinshasa. Nos observations dans les communes de Bumbu, située au sud de la capitale et Ngaliema, à environ 14 km du centre-ville, en disent beaucoup.
Les habitants de la commune de Bumbu utilisent plus l’eau de forage, pour presque tous les usages à domicile. Pourtant, l’eau de forage, puit ou source récoltée est souvent impropre à la consommation. Dans la majorité des cas, elle contient des germes vivants, de nombreux polluants et de la contamination chimique. Ces eaux peuvent être à l’origine de plusieurs maladies. Pourtant, considérées comme non potables, ces eaux devraient être utilisées pour des usages non sanitaires tels que l’arrosage, le lavage des véhicules ou l’utilisation agricole.
« A Bumbu, nous vivons de l’eau de forage ou de la pluie. Il n’y a aucune relation entre la REGIDESO et nous. Ma famille est composée de 7 personnes. Nous achetons 30 bidons d’eau de 25 litres par semaine, à 100 francs congolais le bidon lorsqu’il y a l’électricité et, à 200 francs lorsqu’il n’y en a pas. Car le forage fonctionne avec un groupe électrogène. Imaginez combien ça nous coûte par mois ! Et, ce n’est pas tout ! Il faut également payer la personne qui nous aide à transporter ces bidons jusqu’ à la maison. Ça coûte 200 ou 500 francs par bidon. » S’est confiée une mère de famille, sexagénaire rencontrée sur le chemin d’un forage à Bumbu.
Pourtant, la promesse du Chef de l’Etat de desservir la population en eau potable, date du 23 février 2023, lors de l’inauguration du premier module de l’usine de traitement d’eau de la REGIDESO de Binza Ozone, à Kinshasa. Qu’est-ce qui bloque ? Il est curieux de savoir que même une partie de la commune de Ngaliema souffre de manque d’eau. Et, l’ironie du sort, environ 52% des ressources en eau de l’Afrique sont détenues par la RDC. Mais, 65% de la population congolaise n’a pas accès à l’eau potable.

« Il y a des fois où nous passons un mois entier sans eau ! Est-ce parce que nous sommes sur une colline ? Nous sommes souvent obligés d’aller nous approvisionner auprès de ceux qui vivent en bas, loin de chez nous. Pas facile de faire monter l’eau ici. Heureusement pour nous, nous avons deux citernes. Une pour l’eau de la REGIDESO et une autre pour l’eau de pluie. Sinon, nous souffririons encore plus car nous avons des enfants, des tout petits. » A déclaré Constantin Lumbu, habitant de Ngaliema, à Macampagne.
En inaugurant l’usine de Mbinza en 2023, le directeur général de la Régie de distribution d’eau (REGIDESO) avait indiqué que la mise en service de cette nouvelle usine de traitement d’eau potable était une réponse aux soucis des habitants de l’ouest de la ville de Kinshasa. David Tshilumba avait confirmé que cet ouvrage a la possibilité de desservir en eau potable, plusieurs communes dont Ngaliema (Binza Ozone, Binza Météo, D’jelo et Delvaux ; Mbudi ; Lutendele ; Ma campagne ; Ngomba Kikusa ; Kinsuka ; Kimbuala ; CPA et malueka). Faute de mieux, les habitants d’une partie de Mbudi recourent aux eaux de sources.
« Nous avons deux sources dans le quartier. Ça nous sauve. Nous sommes complétement abandonnés par la Regideso. C’est rare de voir l’eau sur nos robinets. C’est pénible, vu la distance par rapport au domicile mais, pas d’autre choix. L’eau est indispensable pour nos besoins quotidiens. Quant à l’eau à boire, nous l’achetons. » A expliqué Gloria Muatili, une jeune femme au foyer, habitante du quartier CPA Mbudi, dans la commune de Ngaliema.
L’eau est certes la vie mais on ne peut en dire autant pour l’eau non potable !

Olivier Mwenze, alors Ministre de l’Energie et Ressources Hydrauliques lors de l’inauguration de l’usine de Mbinza en 2023, avait précisé que les 2e et 3e phases de cette usine étaient en cours de construction afin de permettre à toute la population kinoise d’avoir accès à l’eau potable. « Ceci démontre la volonté du Chef de l’Etat à améliorer la condition de vie de la population. La pression démographique nous oblige à prévoir deux autres usines. L’eau c’est la vie mais l’eau potable c’est la longue vie. » Avait-il déclaré. Chose qui porte à croire que ce n’étaient que des paroles en l’air.
Faute de mieux, certaines familles de la commune de Bumbu consomment l’eau de forage, avec toutes les conséquences qui en découlent. « En tout cas, nous cuisinons souvent avec de l’eau de forage. Je crois qu’elle se purifie à la cuisson. Trouver l’eau de robinet demande beaucoup de gymnastique. Cela fait dépenser l’énergie et l’argent. Il faut parcourir des kilomètres pour en trouver et la faire transporter coûte cher. Il y a même des fois où les gens à qui nous la confions disparaissent avec nos bidons. Dans ce cas, il faut en acheter d’autres ! » S’est exprimé une quinquagénaire du quartier Ntomba.
L’eau de forage contient des bactéries du fer. Elles provoquent le film huileux lorsque l’eau contient des minéraux et un excès de matière organique. L’autorité compétente devrait charger des experts pour la vérification de tous ces forages qui pullulent la capitale, à défaut d’en construire des bons pour les populations en manque d’eau. Un forage se doit d’atteindre l’eau stockée dans l’aquifère. Mais on ne peut en dire autant pour ceux de la commune de Bumbu, car la plupart des eaux sont huileuses, de sources sûres.
Préserver l’eau, c’est préserver la vie !
L’eau est gaspillée par les ménages qui en ont accès d’une part et par la société REGIDESO d’autre part. Pourtant, la préserver peut sauver des milliers de vies. Une campagne profonde devrait se faire à ce sujet. D’autre part, plusieurs tuyaux usés laissent souvent couler l’eau 24h sur 24, dans les rues de la capitale, sans l’intervention de la REGIDESO.
« Ici sur l’avenue Mangayi, dans la commune de Kasa-Vubu, il y a un tuyau qui est souvent en panne. Quand nous informons la REGIDESO, elle prend du temps pour envoyer ses agents. En plus, même quand ils réparent, ça ne dure jamais. » Se sont indignés des jeunes de l’avenue précitée.
L’eau c’est la vie est la devise même de la REGIDESO, bien qu’appartenant à Antoine de Saint-Exupéry, qui disait, nous citons : « L’eau n’est pas nécessaire à la vie, elle est la vie. » Fin de citation. Peut-on dire que la REGIDESO en particulier et le gouvernement congolais en général, se foutent éperdument de la vie de ces milliers d’habitants en manque d’eau potable ? Environews RDC s’interroge…
Sarah MANGAZA