Les acteurs de la société civile environnementale ont proposé des reformulations détaillées et consensuelles du contenu de la Politique forestière nationale. Cette contribution vise à améliorer en amont, le draft zero de ce document, qui fera l’objet des consultations provinciales. C’était au cours d’un atelier organisé par le Centre d’Appui à la Gestion des Forêts Tropicales (CAGDFT), à Kinkole (Kinshasa), du 27 au 29 novembre 2024.
Ces travaux qui ont connu la participation des acteurs de la société civile, l’administration forestière ainsi que les rédacteurs dudit document notamment à produire une note argumentaire qui relève quelques insuffisances dudit draft, afin que l’accent soit mis sur les garanties des intérêts des communautés locales et des peuples autochtones.
« C’est un très bon document dans sa globalité mais nous voyons dans quelle mesure nuancer certaines choses afin que les intérêts des peuples autochtones soient pris en compte, mais aussi la gestion durable des ressources au pays. Ce document doit vendre tout ce que nous avons comme potentiel surtout en termes de vente de crédit carbone. Mais, il a des insuffisances portées sur deux aspects : par rapport à la structuration car les actions devraient être bien définies pour qu’on arrive aux résultats. Puis, mettre un accent sur la participation et le respect des droits des communautés locales. Alors, nous avons pensé qu’au lieu de restreindre ce travail à un noyau, nous devrions l’élargir à un atelier qui réunit plus d’acteurs en vue de décortiquer ce document pour relever des insuffisances et proposer des solutions. » A expliqué Théophile Gata Dikulukila, Directeur Exécutif du CAGDFT.
Plusieurs recommandations sont issues de ces travaux, entre autres : le complément de certaines définitions importantes dans la clarification des termes et concepts clés ; l’intégration du principe de la justice climatique au regard des enjeux actuels en termes de climat et biodiversité ; la mise en place d’une équipe de travail avec la cellule pour l’intégration de toutes les recommandations issues de l’atelier; la création d’une base des données pour loger toutes les informations produites dans ce secteur ; la promotion de l’utilisation de la technologie telle que les satellites et drones pour surveiller l’état de forêts et la déforestation afin de poursuivre les activités illégales ; la définition des zones de conservation en dehors des aires protégées et la révision de la loi sur la conservation de la nature pour intégrer les thématiques émergentes.
La question liée au marché carbone a également fait long feu au cours de ces travaux, car elle touche directement les communautés locales. A en croire le Directeur Exécutif du CAGDFT, les intentions du gouvernement sont bonnes par rapport au crédit carbone, mais il y a de quoi se demander si les communautés seront concernées directement par les fonds récoltés car, assez souvent, lesdites communautés se retrouvent écartées même quand il s’agit des questions qui les concernent directement. Ainsi, la Société civile voudrait que les politiques lèvent une option afin de garantir que les communautés bénéficieront des retombées de la vente du crédit carbone en République démocratique du Congo.
« C’est la grande actualité. On entend parler de plus en plus de crédit carbone, marché carbone et il y a beaucoup de confusions. C’est normal que la population qui est dans les milieux reculés n’y comprenne rien. Elles ont moins d’accès à l’information. Par conséquent, déconnectées de cette dynamique. C’est un grand problème. Or, pour vendre le carbone au niveau international, les impacts doivent retomber sur ces populations car elles subissent les conséquences de tous les actes de réduction ou de minimisation de leurs terres qui sont souvent exploitées sans leur consentement ou avec un consentement très faible. » A insisté Victoria Moretti, Chargée de Campagne et Plaidoyer au Rainforest UK.
Encore que les premiers bénéficiaires du marché carbone en RDC ignorent encore de quoi il s’agit exactement. « Depuis que le processus de la politique forestière a été initié, j’ai déjà participé à 3 ateliers. Aujourd’hui encore j’y suis pour voir comment cette politique peut prendre en compte les besoins des PA, conformément à la loi n°022. Je crois que certaines zones d’ombres commencent à finir. Avant, quand on parlait de crédit carbone, je ne comprenais rien du tout et c’est ça qui m’inquiétait beaucoup. Je me dis que si moi qui suis intellectuel, je n’ai pas encore des arguments clairs pour comprendre ce que c’est le marché carbone, son processus, qu’en est-il des autres PA qui ne sont pas intellectuels ? Je salue donc l’initiative de cet atelier. A voir ce qui est en train de se faire, je crois que les PA vont trouver leur compte. » A confié le Chargé de plaidoyer au sein de la Coordination de la Dynamique du Groupe des Peuples Autochtones (DGPA), John Benani.
D’où, l’urgence de sensibiliser les communautés locales et peuples autochtones sur cette question. « Il y a nécessité de sensibiliser les communautés. A notre niveau, avec l’aide des partenaires, essayons de trouver des outils adéquats même en langues locales pour leur faire comprendre les choses, car nous pensons que c’est la base pour leur permettre de pouvoir s’engager et de connaître leurs droits. Elles apportent leurs efforts dans la conservation de la nature, elles apportent donc un capital à travers leurs forêts. Alors, elles doivent être formées afin qu’il puisse y avoir des retombées plus positives. Notre travail est de sensibiliser à ce niveau-là. » A indiqué la Chargée de Campagne et Plaidoyer au Rainforest UK.
Il s’avère que les services de l’administration forestière présentent également des faiblesses. Une remise à niveau s’avère nécessaire à leur niveau également afin d’aboutir aux meilleurs résultats. « Les agents commis aux services de l’administration forestière doivent bénéficier de formations afin de relever leurs niveaux mais aussi, en termes d’équipement des acteurs. La politique élaborée doit donc être définie en termes de réalisation sur le terrain. Pour y parvenir, le gouvernement devra mettre en place des moyens et non pas compter seulement sur l’extérieur. » Un vœu émis par Théophile Gata.
Le marché carbone doit en principe apporter le développement des communautés locales en particulier et celui de tout le pays en général. Cependant, la crainte de les voir être dupées comme cela se passe dans d’autres secteurs du pays demeure. Il faudrait mettre en place des mesures pour permettre aux communautés de jouir de tous les privilèges du marché carbone au pays. Cela doit figurer parmi les questions à aborder sur le marché carbone. L’autorité compétente de la RDC devrait à ce titre, créer des mécanismes de suivi, d’élaboration et de contrôle des fonds. Des gouvernants qui travaillent pour assurer la redevabilité doivent trouver important et urgent de se doter d’un tel mécanisme pour améliorer la gouvernance.
Après avoir produit une note argumentaire issue de ces 3 jours des travaux, les participants se sont mis d’accord sur une prochaine étape susceptible de poursuivre ces travaux afin que ce document ne soit pas à garder dans un tiroir. Ils devront maintenant mettre en place d’une Task force technique pour la finalisation de la note argumentaire ainsi que le rapport de l’activité, pour ensuite transmettre ladite note au Ministère de l’Environnement et Développement Durable afin d’organiser des séances de travail pour l’intégration de la contribution de la société civile à la PFN et enfin, partager la note argumentaire aux organisations en province.
Sarah MANGAZA