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L’ONG JUREC fustige des allégations infondées et injustifiées contenues dans le rapport de RFUK

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Réagissant au rapport de l’ONG britannique Rainforest Fundation UK (RFUK), intitulé « Réparer les torts : recommandations pour des mécanismes de gestion des plaintes efficaces au service des communautés affectées par les aires protégées du bassin du Congo », Juriste pour l’environnement au Congo (JUREC), fustige des allégations qu’elle juge infondées et injustifiées contenues dans ce rapport, publié en fin de l’année 2024. Dans une tribune dont Environews s’est procurée une copie, l’ONG JUREC s’indigne du fait que la RFUK et ses partenaires locaux, ne s’étaient pas approchées d’elle, en tant que structure indépendante chargée de mise en œuvre du MGP dans le Parc National de Salonga, en vue de s’enquérir des informations précises de terrain, de manière à enrichir leur rapport et en garantir la fiabilité, spécifiquement en ce qui concerne la mise en œuvre du MGP au Parc national de la Salonga.

Voici in extenso la tribune de l’ONG JUREC :

  1. Introduction

Vers la fin de l’année 2024, l’ONG Juristes pour l’Environnement au Congo (JUREC) avait pris connaissance d’une note d’information intitulée « Réparer les torts : recommandations pour les mécanismes de gestion des plaintes efficaces au service des communautés affectées par les aires protégées du Bassin du Congo », publiée par la Rainforest Fondation UK (RFUK) qui a circulé dans les réseaux sociaux, à travers lequel il est abordé le fonctionnement des différents Mécanisme de Gestion des Plaintes (MGP) mis en place dans quelques Aires Protégées du Bassin du Congo, notamment dans le Parc National de la Salonga en République Démocratique du Congo. Cette note met en évidence quelques défis et fourni des recommandations pratiques sur l’opérationnalisation des Mécanismes de Gestion des Plaintes (MGP) locaux dans le Bassin du Congo.

Il ressort de ce tirage que les recommandations formulées s’appuient sur les décennies d’expérience de RFUK auprès des communautés affectées par la conservation dans la région, sur des informations recueillies lors des enquêtes de terrain, des recherches documentaires ainsi que sur un sondage et des entretiens auprès de représentants d’agences de conservation[1].

Si les allégations relevées dans ce rapport se rapportent à la réalité de certaines aires protégées dans la sous-région, il est à noter qu’au regard du modèle du Mécanisme de Gestion des Plaintes implémenté par l’ONG JUREC au Parc National de Salonga depuis 2021, elles ne constituent que des allégations infondées et injustifiées au regard des réalités sur terrain.

Tout en ignorant les causes ayant justifié cette approche, qui du moins aurait été collaborative, l’ONG JUREC s’indigne du fait que la RFUK et ses partenaires locaux, ne s’étaient pas approchées d’elle, en tant que structure indépendante chargée de mise en œuvre du MGP dans le Parc National de Salonga, en vue de s’enquérir des informations précises de terrain, de manière à enrichir leur rapport et en garantir la fiabilité, spécifiquement en ce qui concerne la mise en œuvre du MGP au PNS. Pour JUREC, la mise à la place publique de certaines informations contenues dans ce rapport pourrait être évitée si elle avait été saisie par la RFUK ou ses partenaires locaux. Les bureaux du MGP de JUREC basés à Monkoto, dans la province de Tshuapa étant ouverts et accessibles à tous.

Par ailleurs, il parait paradoxal de lire dans cette note de la RFUK l’appréciation du Guide standard sur la mise en place du MGP dans les aires protégées de la RDC élaboré par l’ICCN[2] et de remettre en cause le modèle du MGP de Salonga qui l’a largement alimenté et influencé, et pour lequel JUREC, se trouve être une organisation indépendante pionnière de sa mise en œuvre en République Démocratique du Congo. 

C’est ainsi qu’après exploitation et lecture approfondie de cette note, l’ONG JUREC, en tant que structure indépendante chargée de mise en œuvre du processus du MGP dans le cadre des activités de gestion du le Parc National de Salonga (PNS), saisi cette opportunité pour apporter un éclairage sur certaines affirmations renseignées dans ce rapport en lien avec ses activités dans le paysage de la Salonga et se propose d’apporter quelques éléments de clarification en rapport avec le fonctionnement du MGP mis en place dans le PNS avec l’appui de ses partenaires.

  1. Points de clarification sur les allégations relevées dans la note d’information de la RFUK, spécifiquement sur le cas du Mécanisme de Gestion des Plaintes autour du Parc National de Salonga

Sans prétention aucune d’avoir le vrai jugement sur la situation des Mécanismes de Gestion des Plaintes dans la Bassin du Congo et particulièrement autour du PNS, et tout en appréciant à sa juste titre la qualité du travail abattu par la RFUK et ses partenaires, il est néanmoins évident que, fort de son expérience, JUREC dispose d’assez d’informations et de données. Et ce, partant de sa présence continue et de son travail avec les communautés locales et peuples autochtones pygmées ainsi que de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) dans ce paysage.

Ainsi, en vue de contribuer à l’enrichissement et à la clarification des informations sur la mise en œuvre du MGP au sein du PNS ; et dans la perspective de contribuer à l’enrichissement de la note d’information présentée par la RFUK et ses partenaires, JUREC tient, à travers cette plume, à apporter des clarifications importantes sur ce travail qu’il réalise dans cette aire protégée depuis plus de quatre (4) ans.

II.1. La note d’information de RFUK affirme qu’ « il n’existe que peu ou pas d’informations accessibles au public sur les MGP existants, que ce soit sur les règles et cadres de fonctionnement ou sur les plaintes déposées et les mesures prises pour y répondre. Il est donc très difficile de contrôler et d’évaluer de manière indépendante leur adéquation et leur efficacité ». (voir page 15 de la note)

De prime abord, JUREC relève qu’il convient de faire le distinguo entre l’accès à l’information sur le MGP de façon générale d’une part, et les règles liées à son fonctionnement ou les plaintes déposées d’autre part.

En effet, l’accès à l’information au public (sur les MGP) est un droit pour toute personne désireuse d’en obtenir suivant les modalités et les restrictions établies. Pour ce qui est du fonctionnement du MGP en RDC, le document portant Guide standard sur le MGP dans les aires protégées de la RDC donne des orientations à ce sujet. Comme dit ci-dessus, ce Guide étant largement inspiré de l’expérience du MGP de Salonga.

En outre,  en tant que structure de mise en œuvre du MGP, JUREC a déterminé les mécanismes de fonctionnement du MGP dans son document de référence[3], incluant les étapes et les principes qui le guident.

A titre d’exemple, pour informer les différentes parties prenantes sur le fonctionnement du MGP dans son ensemble par exemple, JUREC procède à l’organisation des réunions de sensibilisation dans des villages concernés par ses activités. JUREC capitalise également plusieurs autres opportunités dont les réunions de pilotage qu’organise l’Unité de Gestion du Parc National de Salonga (UGPNS). Cette sensibilisation est également renforcée par le travail des Moniteurs Communautaires[4] (MC) dont la mission est essentiellement de poursuivre régulièrement la sensibilisation auprès des communautés locales sur le processus du MGP, de collecter les plaintes dans sa zone d’intervention et de les transférer au bureau du Mécanisme tenu par JUREC, en vue de leur traitement.  

Ceci justifie le fait qu’à ce jour (janvier 2025), plus de 350 villages du paysage de la Salonga sont sensibilisés et font confiance au processus du MGP mis en place. Il importe d’affirmer que les premiers bénéficiaires du MGP au niveau local connaissent la manière dont ce mécanisme fonctionne (procédure et canaux d’accès, types des plaintes éligibles, etc.).

Au sujet des informations sur les plaintes ou dénonciations réceptionnées et les mesures prises pour y répondre, il y a lieu de préciser que la confidentialité des informations reçues du plaignant reste un des principes fondamentaux de l’efficacité de ce processus. Conformément à ce principe, la structure en charge du MGP a le devoir de protéger les informations reçues des plaignants ou dénonciateurs après leur dépôt. Cette mesure s’explique par la nécessité de sauvegarder la dignité et la sécurité des plaignants vis-à-vis des membres de sa communauté ou autres. Ainsi par exemple, une plainte liée au viol ne peut pas être mise à la place publique ni traitée par JUREC de peur de ternir l’image de la victime et d’enfreindre la législation en la matière. JUREC prend le soin de garder secret ces informations, d’enquêter en toute discrétion sur les faits et de transmettre rapidement des cas devant les instances judiciaires compétentes.

En effet, l’accès à ces informations logées dans une base de données n’est réservé qu’à une poignée des personnes bien déterminées en raison de la confidentialité qui caractérise le fonctionnement du mécanisme. A cet effet, il n’est pas admis un accès plus large à la base de données par les parties prenantes dans le but d’éviter la divulgation des informations contenues dans cet outil. Si bien que, par souci de recevabilité, JUREC organise régulièrement des réunions de restitution dont l’objectif principal recherché est de restituer les résultats des activités réalisées dans le cadre du MGP et d’informer la population sur l’évolution du traitement des cas lui soumis.  

II.2 Le rédacteur de la note relève également qu’ « Il est inquiétant de constater que moins de la moitié des mécanismes tiennent un registre des plaintes et que, dans la plupart de cas, les communautés n’y ont pas accès. » (voir page 15)

A ces propos, signalons que le MGP tel qu’implémenté dans le PNS par JUREC dispose d’outils qui renseignent du début à ce jour, de façon claire et nette, les plaintes enregistrées par le bureau de JUREC et les centres de droit de l’homme gérés par les Moniteurs Communautaires.

En effet, JUREC dispose d’une base de données électronique mais aussi des registres manuels qui présentent la situation générale des différentes plaintes reçues, résolues et celles qui sont en attente et/ou en cours de traitement. Ces dispositifs permettent à JUREC de suivre l’évolution des plaintes depuis sa saisine par les membres de la communauté ou autres parties prenantes jusqu’à leur résolution. Ce sont aussi des outils qui rendent possible l’archivage des plaintes traitées dans le cadre du MGP.

Après dépôt de la plainte ou dénonciation, un récépissé est remis au plaignant dans le but de lui permettre d’effectuer un suivi régulier soit auprès du Moniteur Communautaire du lieu du dépôt de la plainte ou dénonciation, soit au niveau du bureau du MGP de JUREC à Monkoto. Cela démontre que les communautés ont accès au processus de suivi des plaintes qui les concernent. Il sied de préciser que ces plaignants ou dénonciateurs n’ont pas accès à la base de données ni au registre des plaintes, étant donné que l’accès à ces outils n’est réservé qu’à des personnes bien déterminées en raison de la confidentialité qui caractérise ce processus et de la sensibilité de certaines informations.

II.3. Selon RFUK, « Au moment de la rédaction du présent rapport, sur les quelque 60 aires protégées du pays, il semble que seul le Parc National de la Salonga dispose d’un MGP opérationnel. Ce mécanisme est confronté à des problèmes de mise en œuvre et n’a pas encore facilité réparation pour les 16 survivant.es d’abus et les communautés lésées en général (voir encadré 3, pages 15-16)

Cette affirmation appelle une bonne clarification liée notamment à la nature d’un mécanisme de gestion des plaintes dans une aire protégée. En effet, entant que processus susceptible d’améliorer les relations entre parties prenantes impliquées dans la gestion de l’aire protégée et de contribuer à y faire régner la paix communautaire entre les gestionnaires de l’aire protégée et les communautés riveraines du Parc National de la Salonga, le MGP mis en place dans cet espace n’avait pas pour vocation de rétroagir, afin de fouiner les griefs antérieurs et régler toutes les situations du passé non présentées par les communautés ou les autres parties prenantes. La conception et l’opérationnalisation de ce mécanisme avait une dimension particulière de faire établir et régner un climat de paix et de confiance entre les membres de la communauté et le personnel commis à la gestion de l’aire protégée. Il répond au sein de la conservation collaborative et non policière. C’est l’un de facteur de succès de l’action menée par JUREC depuis sa présence à la Salonga, ne pas creuser, déterrer ni recourir aux situations du passé pour revivifier les tensions. Mais assurer une vie commune où les membres de la communauté et les écogardes se regardent en face et vivent ensemble dans le respect des droits et obligations des uns et des autres.

Une approche contraire relevée par le rédacteur de la note de RFUK serait de nature à contribuer et renforcer la méfiance et la détérioration des relations entre les parties prenantes parties, qui se sont pourtant nettement améliorée durant cette période de mise en œuvre du MGP dans le Salonga.  Pour rappel, cette question a été longuement soulevée et débattue entre l’ensemble de parties prenantes lors de l’élaboration du Guide standard sur le MGP en RDC et un consensus a été trouvé à cet effet.

D’ailleurs, la législation actuelle sur la conservation de la nature n’a pas non plus rétroagi pour prévoir des dispositions tendant à responsabiliser l’Etat pour tous les abus occasionnés lors de la création des aires protégées à l’époque.

Bien plus, les auteurs de cette affirmation n’ont pas mesuré la dimension spécifique selon laquelle le MGP est appelé à faciliter le règlement des conflits ou la gestion des plaintes en recourant préalablement aux procédés non judiciaires en vue de maintenir l’entente et l’harmonie au sein des communautés entre ses membres et les gestionnaires de l’aire protégée. Cependant, la note de RFUK fait référence à des situations datant d’il y a quelques années avant l’installation du MGP à Salonga. Et les organisations ayant conduit ce processus avaient délibérément opté pour la voie judiciaire, pour laquelle JUREC ne pouvait aucunement faire obstruction.

Suivant le Guide standard, le MGP ne peut pas se substituer à la justice, ni y faire obstacle. A ce titre, il est clairement établi que la structure en charge du MGP n’est pas compétente pour statuer sur des crimes prévus et punis par la loi.

Les affaires dont font allusion RFUK et ses partenaires dans cette partie de leur note d’information en vedette ne peuvent être traitées dans le cadre du MGP installé dans le paysage de la Salonga mis en œuvre par JUREC non seulement parce qu’elles sont antérieures à la mise en œuvre de ce processus mais également en raison de leur caractère spécifiquement pénal. Dans la pratique, elles sont orientées devant les autorités compétentes pour leur traitement et suivies par les parties prenantes qui les ont transférées devant le juge.  

II.4. D’après la note d’information, « les partenaires locaux de RFUK ont effectué plusieurs visites sur le terrain depuis les premières enquêtes. Les communautés interrogées ont déclaré qu’elles n’avaient pas été consultées sur la mise en place du mécanisme et qu’elles s’en méfiaient généralement beaucoup. Même le fait qu’il soit géré et exploité par une ONG tierce ne semblait pas les rassurer, puisqu’il reste financé par le WWF et qu’il est donc, au moins, perçu comme étant étroitement associé à ce dernier. Ils ont résumé la situation en ces termes : «une souris ne se plaindrait pas d’un chat à un autre chat». (Voir encadré 3, page 16)

Pour JUREC, affirmer que les communautés n’ont jamais été consultées sur la mise en place du MGP et qu’elles s’en méfiaient beaucoup est juste une simple spéculation nourrie par l’e manque d’informations, mieux de la bonne information provenant du bon endroit.

Cette affirmation, dont le mobile serait inconnu, remet sur le tapie la question de la visite de terrain notamment des communautés locales et peuples autochtones, de l’Unité de Gestion du PNS, des Moniteurs communautaires, de l’ONG JUREC, d’autres parties prenantes locales par les partenaires locaux de RFUK et de la qualité des informations rapportées à RFUK.  

Consciente que la nécessité du Consentement Libre, Informé et Préalable (CLIP) des parties prenantes avant toute activité de réalisation d’un Projet soit susceptible d’impacter leur vie, et dont le non-respect de cette obligation serait à la base de l’échec de plusieurs Projets, JUREC y a attaché une importance capitale depuis le début de la mise en œuvre du processus du MGP dans le paysage de la Salonga.

Pour s’en convaincre, depuis le début de ses actions, JUREC a organisé plusieurs réunions de consultation en vue de permettre aux populations riveraines de se prononcer, en connaissance de cause, sur le processus du MGP lié relativement aux activités de gestion de parc.[5]

L’ONG JUREC a notamment procédé à l’organisation des plusieurs réunions de consultation des populations des villages situés aux alentours du Parc National de la Salonga. L’acceptation des membres des communautés consultées sur l’idée de mettre en place le MGP était manifestée entre-autre à travers leur choix libre des Moniteurs Communautaires (MC) opéré par eux en présence des autorités politico-administratives et coutumières dans un processus démocratique, en l’occurrence, la désignation ou l’élection.

En tant qu’émanation des communautés locales et peuples autochtones riverains, les MC sont de personnes de confiance dont l’élection ou la désignation ont témoigné de manière directe leur adhésion dans le processus du MGP, car nous estimons qu’une communauté ne peut pas désigner l’un de ses membres pour l’engager dans un processus qui ne lui inspire pas confiance.

Le contexte de Salonga est complexe certes, mais il n’est pas évident de conclure que les communautés ne sont pas rassurées car le fonctionnement du MGP est financé par WWF.

Cette interprétation témoigne qu’elle ne provient pas des communautés riveraines du PNS, car depuis l’installation du MGP dans cette aire protégée, JUREC observe de plus en plus la confiance que les CLPA témoignent en ce processus. Cette confiance est manifestée notamment par la saisine du bureau de MGP par ces populations, même pour des cas qui ne sont pas liés aux activités de gestion du parc, afin qu’ils soient traités dans le cadre de ce processus.

En conséquence, la base de données de JUREC dispose à ce jour de plusieurs plaintes sous diverses catégories et diverses natures dont la majorité sont traitées de manière pacifique et à l’amiable. Et les solutions trouvées ont été transmises aux intéressés à travers des canaux bien définis suivant la procédure du traitement (escalade) des plaintes en vue de promouvoir le climat de paix et d’harmonie entre les gestionnaires du parc et les autres parties prenantes dans l’intérêt de la conservation de la nature et du respect des droits humains.

A ce jour (janvier 2025), JUREC se réjouit de cette marque de confiance que les communautés riveraines du PNS ne cessent de témoigner au processus du MGP mis en place. La collaboration entre JUREC et ses partenaires, n’a jusque-là constitué un problème pour les membres de la communauté, d’autant plus que les préoccupations soulevées par elles et apportées au bureau du MGP sont traitées et suivies.

II.5. La note de RFUK indique que « Des contrôleurs communautaires ont été nommés pour faciliter l’accès des communautés au mécanisme, mais la manière dont ils ont été désignés suscite des inquiétudes. »(voir encadré 3, page 16)

Il s’agit là encore des affirmations gratuites, sans fondement et ni preuve. Cela remet une fois de plus sur la table l’épineuse question de la qualité des informations mises à la disposition de RFUK sur le MGP, spécifiquement pour le cas du PNS.

En RDC, le terme consacré est « Moniteur communautaire (MC) » comme l’indique le Guide standard sur le MGP publié par l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN). Le MC est désigné comme étant une personne de confiance élue ou désignée par les Peuples Autochtones et Communautés Locales pour servir de point focal au niveau des communautés. Il représente le bureau du mécanisme dans les villages.

Il ressort de la définition du Guide que les MC sont élus ou désignés par les communautés elles-mêmes comme leur personne de confiance et moyennant certains critères préétablis.

Dans cette perspective, il a été difficile pour JUREC d’opérer le choix des MC à la place des membres d’une communauté au risque que cela puisse entacher négativement le processus du CLIP.  Faisons également remarquer que lors de ces assises, JUREC ne jouait qu’un rôle passif de facilitateur se limitant qu’à définir les critères que doivent revêtir les candidats MC qui seront choisis par les membres de la communauté en toute liberté. Ainsi, parmi tous les MC, aucun n’a été nommé par JUREC ou n’a été recommandé par une tierce personne. L’issue de chacune de ces réunions était sanctionnée par un Procès-Verbal signé par les représentants de la communauté concernée, le Chef de Secteur et/ou l’Administrateur du Territoire et le représentant de JUREC présent à la réunion.

II.6. La note poursuit que « La consultation à grande échelle est également l’occasion de documenter les approches traditionnelles de résolution des conflits, les processus de prise de décision et les modes de communication, qui devront tous être respectés et intégrés pour créer des MGP culturellement approprié. » (voir page 21)

Il est important de préciser qu’avant la mise en place effective du MGP à la Salonga, l’ONG JUREC avait organisé ce qu’elle appelle des« enquêtes préliminaires » dans le but de comprendre les réalités socioéconomiques et culturelles des communautés concernées par ce processus. Ces enquêtes préliminaires avaient notamment pour objectif d’obtenir la perception des communautés locales et peuples autochtones sur les questions de conservation et des droits humains mais aussi sur leur niveau de compréhension de leurs droits et obligations liée à la gestion de l’aire protégée. C’est cette étape qui a permis à JUREC d’adopter un message culturellement acceptée par les communautés lors des activités de terrain.

C’est ainsi que le MGP qui s’implémente dans le paysage de la Salonga est réputé culturellement adapté au contexte local. Dans la mesure où, JUREC fait toujours recours à des approches spécifiques à chaque contrée pour trouver des solutions aux plaintes apportées par les membres de la communauté. JUREC implique davantage les chefs traditionnels et les autorités politico-administratives dans les discussions autour de certaines questions liées aux préoccupations des communautés afin de ne pas s’écarter des rites et des cultures du milieu.

II.7. Il est affirmé dans le rapport que « Les acteurs de la conservation devraient considérer le potentiel de technologies permettant aux communautés d’exprimer leurs préoccupations et signaler des abus et d’être tenues au courant du progrès de leurs plaintes, contournant ainsi les difficultés liées à l’accessibilité. Des systèmes de surveillance communautaire simples et peu coûteux, tels que le système Forest Link du RFUK (ou «Hakhi Ardhi» au Kenya), permettent aux communautés forestières éloignées de signaler des infractions forestières, les violences basées sur le genre et autres abus, même à partir de zones très isolées et non reliées à un réseau, ce qui a permis d’améliorer l’application de la loi et la gouvernance forestière dans plusieurs régions du monde. Ces systèmes sont polyvalents et pourraient facilement être développés et adaptés au contexte des aires protégées pour permettre aux communautés de signaler les fautes commises par les éco-gardes, par exemple, et d’entrer en contact avec le MGP et/ou les autorités compétentes chargées de l’application de la loi. »(voir page 25)

L’application des technologies avancées est très importante pour l’avancement du travail de monitoring des droits humains certes, mais ne remet pas en cause le système actuel qui est mis en place à Salonga et qui aide à avoir des informations rapides sur les abus des droits humains autour de Salonga.

Tout en appréciant l’option relevée par RFUK quant à l’utilisation de ces outils. Si ces outils technologiques présentent certains avantages, leur utilisation peut être sujette à plusieurs difficultés par les communautés.

Dans le cadre de la mise en œuvre du MGP dans le Salonga, l’ONG JUREC est appuyée depuis 2021 par le Fonds Mondial pour la Nature (WWF). Cet appui ô combien apprécié par JUREC lui a facilité la mise en place de ce processus tant sur les questions financières que logistiques.

Sur ce dernier point d’appui, il est évident de relever que l’appui obtenu de WWF a été non seulement adapté au contexte local mais a connu une très forte adhésion de la communauté.

A titre illustratif, les Moniteurs Communautaires, vivant dans des distances très éloignés du Bureau de JUREC ont bénéficié des outils de mobilité adaptés à leur contrée, à savoir des bicyclettes communément appelés vélos mécaniques pour leur faciliter le travail de sensibilisation et de réception des plaintes et autres. L’appui de WWF et ses partenaires a également permis d’installer de l’internet fiable et à grande vitesse dans des villages où se trouvaient des Moniteurs Communautaires, qui du reste étaient de dotés des smartphones leur permettant de collecter et de partager les informations sur les plaintes déposées en temps réel. Ces MC communiquent à temps réel et ce, 24h/24 avec le bureau de JUREC et font rapport de leurs activités de sensibilisation et de monitoring sur le respect des droits humains dans leurs communautés. Ces outils sont adaptés aux MC et à leur contexte, dans la mesure où leur manipulation n’a présenté des difficultés en termes d’utilisation. Ces outils présentent non seulement des avantages en termes de manipulation mais surtout sur le plan financier et logistique.

II.8. Pour autant que les survivant.es se sentent en sécurité pour se manifester, il ne fait aucun doute que les MGP auront affaire à des allégations de violations des droits humains commises par des agents paramilitaires ou militaires qui constituent des infractions pénales, y compris des crimes internationaux graves. Il incombe en premier lieu aux États d’enquêter, de poursuivre les auteurs et de garantir la réparation des victimes dans de tels cas, et les MGP au niveau du site ne doivent pas supplanter les institutions judiciaires existantes. (voir page 27)

Comme souligné ci-dessus, le MGP mis en œuvre par JUREC ne se substitue pas à la Justice et remplace pas non plus les modes d’accès à la justice. Le MGP ne statue pas sur des cas d’une certaine ampleur (viol, mort d’homme, etc.).

En effet, dans le cadre du MGP, le bureau de JUREC situé au PNS réceptionne toutes les formes de plaintes et dénonciations des communautés riveraines de cette aire protégée C’est lors de traitement de ces plaintes ou dénonciations, que JUREC les catégorise en deux, à savoir les pliantes sensibles à conservations et celles non sensible à la conservation. Les premières sont automatiquement prises en charge par JUREC dans le cadre du processus de traitement de MGP, alors que les secondes sont directement adressées aux services étatiques (Police nationale, services de sécurité, cours et tribunaux).

De ce fait, ces plaintes adressées vers les services étatiques échappent à la compétence directe de JUREC quant à leur traitement. La seule option que reste de l’organisation indépendante de mise en œuvre du MGP est d’assurer un suivi auprès de ces services.

Si les organisations partenaires de RFUK ou autres ont orienté des cas de violation des droits humains devant les Cours et tribunaux, ce qui est de droit, JUREC comme structure de mise en œuvre du MGP ne dispose d’aucun pouvoir de faire obstruction à leur avancement. Les victimes doivent donc poursuivre avec la voie empruntée.

  1. Que retenir ?

Il est important de noter que la présente note d’analyse présentée par JUREC n’a pas la prétention de remettre en cause toutes les informations contenues dans la note d’information de RFUK qui du reste, présente un contenu solide et un examen factuel discutable. Elle a permis à l’ONG JUREC, dans un contexte de complémentarité et de redevabilité, de présenter des éléments réels tel que vécu et documenté dans son passionnant travail de mise en œuvre d’une première expérience d’implémentation indépendante d’un Mécanisme de Gestion de Plaintes dans une aire protégée dans le PNS grâce à l’appui du Fonds Mondial pour la Nature (WWF).

C’est pour cela que le présent papier avait pour vocation d’analyser différentes allégations évoquées par la RFUK dans sa note relativement à la mise en œuvre du MGP, spécifiquement dans le Parc National de Salonga, et en apporter des éléments de clarification, lesquels n’en seraient pas uns si les informations partagées dans ce rapport reflétaient la réalité d’un processus important pour la gestion des aires protégées conduit par JUREC depuis 2021, surtout que ce travail alimenté la formalisation du MGP à travers un Guide en RDC.

L’ONG JUREC salue l’intérêt qu’accordent RFUK et ses partenaires sur les questions des droits humains dans la gestion des aires protégées et les rassure de sa disponibilité de partager différentes informations et de données sur ce processus vital pour les communautés riveraines des aires protégées et pour le personnel commis à la protection et à la sécurisation des sites de l’ICCN sur terrain.

Pour sa part, JUREC reste et demeure ouverte pour toute discussion et orientation ayant pour objectif d’améliorer le progrès en matière des droits humains autour des aires protégées, en particulier celles de la République Démocratique du Congo et de manière globale dans le Bassin du Congo, qui est son engagement le plus important.

Fait à Kinshasa, le 20 janvier 2025

Felix Credo LILAKAKO MALIKUKA

Président du Conseil d’Administration de l’ONG JUREC

+243819940015- jurec.conseil@gmail.com


[1] RFUK, Réparer les torts : recommandations pour les mécanismes de gestion des plaintes efficaces au service des communautés affectées par les aires protégées du Bassin du Congo, nov 2024, p. 7, https://www.rainforestfoundationuk.org/wp-content/uploads/2024/11/JA-612-The-Grievance-Mechanism-FR_Final.pdf

[2] RFUK, Idem, p. 15

[3] JUREC, Guide sur le Mécanisme de Gestion des plaintes recours, outil de sensibilisation sur le MGP au PNS, juillet 2021, inédit

[4] Les Moniteurs communautaires sont des personnes de confiance désignées librement par les membres d’une communauté sur bas de certains critères rattachés à la gestion de l’ère protégée. Elles vivent au sein des communautés et y travaillent pour la sensibilisation sur les questions liées aux droits humains dans l’aire protégée et y travaillent dans la récolte des plaintes des communautés pour les transmettre à JUREC.

[5] Les preuves sur les consultations des populations riveraines existent et sont accessibles à toute personne désireuse d’en obtenir dans les bureaux de JUREC à Kinshasa ou sur site.

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