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Prétendue spoliation de la parcelle de la DDD, que s’est-il passé réellement ?

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Depuis le 30 mars 2023, les réseaux sociaux vibrent au rythme de la prétendue spoliation d’une parcelle du Ministère de l’Environnement et Développement durable de la République démocratique du Congo. Cette situation fait suite à un jugement ordonnant le déguerpissement de la République dans cette parcelle située au croisement des avenues de l’Office de Route et le boulevard du Palais de la nation, à la Gombe (Kinshasa). Le jugement a été exécuté en faveur de l’entreprise SIMMOKIN SARL (Ex – Congo Futur). Les agents et cadres de la DDD (Direction du Développement Durable) de ce ministère qui occupaient jusque-là cette parcelle, se sont vus être mis dehors par les agents du Parquet de Grande instance de Kinshasa/ Gombe. Mais, que s’est-il passé réellement ?

Pour faire la lumière sur cette affaire qui remonte au 09 mai 2018, notre équipe a mené des investigations afin de mieux comprendre ce qui s’est réellement passé. Le dossier complet que nous avons consulté renseigne qu’il s’agit d’une convention du Partenariat Public – Privé signé entre la société SIMMOKIN SARL spécialisée dans l’immobilier et la République démocratique du Congo représentée par les anciens ministres Joseph Kokonyangi (Urbanisme et habitat) et Amy Ambatombe (Environnement et Développement durable).

Historique

Tout est partie d’un besoin pressant de construire des bureaux pour le Ministère de l’Environnement et développement durable qui jusque-là était sous-logés dans les locaux de l’INERA (Institut National pour l’Etude et la Recherche Agronomiques), un établissement public appartenant au Ministère de la Recherche scientifique.

Il ne s’agit pas de la décision d’un ministre, mais celle du Gouvernement.

Amy AMBATOBE NYOGOLO, ancien ministre de l’Environnement et Développent durable.

« Il y’a eu un conflit entre les services du Ministère de l’Environnement et ceux de l’INERA. Je me souviens que ce jour-là, je n’ai pas eu accès à mon cabinet. Face à cette situation, en tant que ministre, il fallait trouver une solution. Et nous avons pensé qu’il faille trouver comment construire nos propres bureaux dans les parcelles qui appartiennent au ministère de l’Environnement », a renseigné Amy Ambatobe, ancien ministre de l’Environnement, actuellement député national.

A en croire Monsieur Ambatombe, ces faits se sont passés à l’époque où la société SIMMOKIN SARL venait de conclure un PPP (Partenariat Public-Privé), avec le Ministère de l’Agriculture pour lui construire un immeuble. En échange, le ministère devrait céder une de ses parcelles pour compenser le coût du travail de cette entreprise.

« Nous avons trouvé que nous pouvions aussi faire de même. Ainsi, nous avons approché la société SIMMOKIN SARL, et lui avons présenté notre besoin. Nous leur avons proposé notre parcelle de LImete 7ème Rue, en compensation. En tant qu’entreprise commerciale, ils n’ont pas accepté la parcelle proposée. Nous avons alors convenu du morcellement en deux de la parcelle située sur le boulevard du Palais de la Nation. Une partie devrait recevoir l’immeuble, tant dis que l’autre devrait leur être donnée en compensation », a informé Amy Ambatobe.

Dans sa lettre n° 410/CAB/MIN/EDD/AAN/TNT/SAA/2018 du 26 avril 2018, Amy Ambatombe sollicite l’autorisation du premier ministre pour la réalisation du projet de construction de cet immeuble.  Faisant suite à cette requête, dans sa lettre du 08 mai 2018, l’ancien premier ministre Bruno Tshibala a autorisé la signature de la convention de partenariat entre les deux parties.

Cette convention fut signée le 09 mai 2018, par le ministre Joseph Kokonyangi et Amy Ambatobe pour le compte de la République et par le gérant de la société SIMMOKIN SARL. L’arrêté ministériel n° 022/CAB/MIN-UH/2018 du 10 mai 2018 portant désaffectation et attribution à SIMMOKIN SARL, d’une portion de terre dans la Commune de la Gombe, ville de Kinshasa a été publié au Journal officiel n°18 du septembre 2018.

En effet, contrairement à ce qui se raconte dans les réseaux sociaux, il ne s’agit nullement d’une quelconque vente, ni spoliation, mais plutôt d’une compensation préalablement négociée entre les deux parties.

La convention signée prévoyait la construction, équipement, et ameublement d’un immeuble moderne de 4 niveaux d’une superficie de 1400 m2 devant abriter le cabinet du ministre et autres directions normatives et structures, ainsi que d’autres services spécialisés. La République devrait céder définitivement et irrévocablement le terrain d’une superficie d’environ 2700 m2, situé au n° 2695, croisement des avenues office de Route et Boulevard du Palais de la Nation, à Kinshasa Gombe.

Les deux parties avaient également convenu que la remise de l’immeuble au ministère de l’Environnement et Développement durable sera ipso facto la confirmation du transfert de propriété, donc la société SIMMOKIN devrait entrer en jouissance de la partie lui cédée au lendemain de la remise des clefs.

Le nœud du problème

Après deux années de travaux, l’immeuble de 4 niveaux a vu le jour sur le terrain sus évoqué. Il a été remis officiellement au ministère de l’Environnement, le 31 octobre 2020. Le bâtiment moderne est réceptionné par Yves Kapuku Kapuku, représentant du Ministère. Ce qui implique Ipso facto, l’entrée en jouissance de ce terrain désaffecté au profit de la société SIMOKIN SARL.

Il ne sera pas question qu’une partie du site abritant le Ministère de l’environnement et développement durable soit spolié par qui que ce soit. Je veillerai à ce que l’Etat Congolais ne soit dépossédé de son domaine. Mes assurances aux agents du Ministère qui protestent avec raison à la spoliation d’une partie du site situé sur l’avenue du Palais de la Nation.

Eve Bazaiba Masudi, Ministre d’Etat à l’Environnement s’adressant aux manifestants

Depuis 2020, soit environ 3 ans après, la société SIMMOKN SARL est empêchée d’entrer en possession d’un bien qui lui appartient de droit, par les agents et cadres de ce ministère.  Et pourtant, le chef de l’Administration de ce ministère est au courant de la convention.

« La société a obtenu en bonne et due forme son certificat d’enregistrement. Comme pour dire, à ce jour, le propriétaire de cet espace c’est SIMMOKIN. Malheureusement, la société est préjudiciée », s’est indigné Me Kahozi Lumwanga, avocat conseil de l’entreprise.

A l’en croire, la société SIMMOKIN a en 2020, adressé au ministère de l’Environnement et Développement durable, une requête tendant à obtenir l’entrée en possession du lieu. Aucune suite n’a jamais été réservée à sa requête. Une deuxième lettre, et une troisième ont été adressées à l’actuelle ministre d’Etat, Eve Bazaiba. « Nous avons voulu agir conformément à la loi congolaise. Nous sommes respectueux de la procédure », a déclaré Monsieur Kahoza.

Après analyse du dossier, une commission interministérielle a été mise en place pour faire la lumière. Les conclusions de cette commission ont démontré qu’il était opportun que la République accomplisse sa part du contrat, en laissant la société SIMMOKIN entrer en possession de son bien.

Dans sa lettre du 21 juin 2022, adressée au premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde. Eve Bazaiba informe de l’urgence pour la République de finaliser la convention signée en 2018, au risque des procès, car il y a violation de l’article 33 du Code civil congolais livre III.

« Après analyse des pièces mise à ma disposition, et de multiples réunions tenues avec le conservateur des titres immobiliers de la Gombe, les services attitrés de mon ministère, ainsi que la société SIMMOKIN SARL, il sied de noter que, … La société SIMMOKIN SARL n’a pas encore occupé la partie de la parcelle lui cédée, et ce de suite de tergiversations administratives », a-t-elle insisté.

Pour Eve Bazaiba, la République risque un long procès qui pourrait conduire à une condamnation à des faramineuses sommes en justice pour violation de la convention de partenariat signée entre les deux parties.

Quant aux agents et cadres de la DDD qui occupaient encore la partie cédée, la ministre d’Etat a rassuré le premier ministre de la solution trouvée. « Les bureaux de la Direction du Développement durable qui occupent la parcelle seront transférés à la concession du Ministère située à la 7ème rue dans la commune de Limete », a-t-elle conclu.

Malgré cela, la situation n’a pas pu évoluer. Ainsi, la société SIMMOKIN a saisi les instances judiciaires pour obtenir réparation.

« Le ministère public, …reçoit l’action mue par la demanderesse, la société SIMMOKIN et la déclare fondée. En conséquence, ordonne le déguerpissement de la République démocratique du Congo de la parcelle n°9103 du plan cadastral de la commune de la Gombe ainsi que de tous ceux qui l’occupent de son chef », peut-on lire dans ce jugement que nous avons consulté.

Ainsi, l’Etat congolais est donc condamné à payer à la société SMMOKIN l’équivalent en Francs congolais de 10.000 dollars américains au titre d’indemnités compensatoires, et de 2.000 dollars américains de dommage et intérêt pour tout préjudice.

Alfredo Prince NTUMBA

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