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« L’assainissement n’est plus seulement une question de dignité. C’est devenu une question de vie ou de mort. » A martelé le président de l’Association panafricaine des acteurs de l’assainissement (APAA), Ibra Sow, au cours du lancement de la rencontre des maires, ce mardi 18 février 2025, à Kampala. C’est en marge du 22e Congrès de l’Association africaine de l’Eau et l’Assainissement (AAEA). Les maires des pays africains représentés à ces assises se sont réunis en vue de réfléchir ensemble sur comment mettre en place des mécanismes qui pourront aider leurs populations à vivre sainement d’une part, et d’autre part, bousculer les décideurs afin qu’ils trouvent des solutions durables et efficaces sur les problèmes d’assainissement dans leurs pays respectifs.
Les maires se sont appesantis sur la question de gestion de la matière fécale par les ménages. Il s’avère que plusieurs populations s’adonnent encore à la défécation à l’air libre, faute de mieux. Chose qui est, selon eux, une source de beaucoup de maladies, surtout chez les enfants. Raison pour laquelle, les maires sont unanimes sur le fait qu’ils doivent se mobiliser, travailler et prendre des décisions politiques nécessaires pour pallier cette situation afin de sauver des vies.
« Aujourd’hui, j’aimerais que tout le monde se demande : on peut rester combien de temps sans manger ? sans boire ? peut-être 3 trois ou 4 jours et après, c’est la mort. On ne se pose jamais la question de savoir combien de temps on peut rester sans aller aux toilettes. Ça n’arrive jamais. Lorsque ce besoin n’arrive pas, on doit vous opérer pour chercher la cause. Car, si vous avez ce besoin et que vous n’avez pas de toilette, c’est un problème. Mais aussi, si vous avez une toilette et que vous manquez une fosse septique, c’est aussi un problème. Et, si vous avez une fosse septique et que vous manquez où vidanger, c’est encore un problème car ces matières peuvent finir partout : dans les rivières, les maisons abandonnées, au sol puis ça arrive chez vous et cela vous apportera les maladies hydriques. Dans tout ça, le plus grand problème c’est lorsque vous avez des stations pour les déverser sans avoir un système de traitement. Il faut créer une chaîne de valeur qui valorise ces déchets en faisant de l’électricité, la biogaz… » A interpellé le Président de l’APAA.
Un tableau bien peint qui a permis aux Maires de se rappeler leurs responsabilités. « Les statistiques des personnes qui vivent dans ces situations sont alarmantes. Les priorités sanitaires doivent être bien présentées dans une déclaration bien établie, avant qu’elle soit remise aux ministres. Donc, nous devons établir des déclarations fortes sur toute cette situation afin que les choses changent. Beaucoup de ménages connaissent des maladies, surtout chez les enfants car les gens continuent à déféquer à l’air libre. C’est une situation alarmante. A Kampala nous avons 6 sites qui nous ont permis d’avancer vers la valorisation de l’assainissement. C’est un problème réel mais nous avons des problèmes avec la mise en place des stratégies pourtant, les statistiques sur les personnes en manque d’accès à un assainissement sain sont lourdes. » A déclaré le maire de Kampala, Erias Lukwago.
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Le phénomène de la défécation en plein air est particulièrement associé aux régions rurales et pauvres du monde, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie. Raison pour laquelle, les maires estiment qu’il est important de créer des chaînes de valeur en vue de valoriser ces déchets. L’AFWASA et l’APAA, avec l’aide des partenaires, ont compris et ont fait de cette initiative un cheval de bataille. Elles invitent donc tous les décideurs à examiner ces questions de manière urgente en vue de prendre des décisions rapides et nécessaires qui couvriront la chaîne de valeur et le traitement de ces matières. Une réglementation efficace de la gestion de boues fécales des ménages. Cela doit inclure les financements et les réformes institutionnelles. Ainsi, un appel a été lancé également à ceux qui s’occupent de l’assainissement, afin qu’ils réfléchissent sur ce que deviennent les matières fécales quand elles quittent le corps.
« Nous opérateurs de ce secteur sommes impatients d’offrir des services qui sauveront des vies. Depuis le lancement de notre organisation au Cape Town, en Afrique du Sud en 2019, nous avons poursuivi notre travail avec diligence autour de la chaîne de valeur sur le continent. Nous avons également rassemblé des membres à travers tout le continent, passant de 6 à 27 pays. Nous avons développé notre plan stratégique avec 3 objectifs : le partenariat, le renforcement des capacités des membres et le renforcement de l’institution de l’APAA. Nous comptons augmenter l’effectif de nos membres à 37 pays et à l’ensemble du continent en 2030. Avec nos partenaires, nous envisageons une station de traitement de boue des ménages pour attirer l’attention sur le continent. Si chaque ménage ne dispose pas de point de traitement pour le vidange, nous pensons que chaque ville a besoin de suffisamment de stations de vidange pour traiter toutes les matières que génèrent les ménages quotidiennement. Nous attirons donc l’attention des maires et des autorités locales pour qu’ils se joignent à nous. » A ajouté Ibra Sow.
Cette association poursuit son combat pour offrir de meilleures conditions de vie aux populations. « Nous avons une initiative essayée avec l’APAA : une ville, une station. Ceci permettra aux populations d’avoir une meilleure condition de vie mais surtout, de retrouver leur dignité. Lorsqu’on a de la dignité dans la vie ou un environnement qui procure la dignité, c’est un élément assez important. Donc, cette initiative est importante pour nous. Nous pensons que nous sommes dans la bonne direction. Au niveau de l’association, nous sommes satisfaits de l’engagement et le sens de responsabilité. Beaucoup d’initiatives ont été entamées mais nous nous rendons compte que le maillot le plus faible, c’est le travail sur la matière fécale. Avec toutes les pressions qui existent sur l’urbanisation et les parcelles, qu’est-ce qui est plus cher que la terre ? D’où, cette initiative une ville, une station. Avant de construire une station, il faut de l’espace. Nous demandons aux responsables des collectivités de nous accompagner dans cette démarche. » A insisté le directeur exécutif de l’AAEA, François Olivier Gosso.
Les statistiques sur la défécation en plein air dans le monde ont montré une relation entre les régions qui ont le pourcentage le plus élevé de personnes qui n’utilisent pas de toilettes ou d’autres installations pour les déchets humains et un faible niveau d’éducation ou de pauvreté. Une responsabilité énorme des dirigeants qui se doivent d’être regardant vis-à-vis du peuple.
Depuis Kampala, Sarah MANGAZA